Paul Ariès et la décroissance...
Voici 3 extraits de l'article, et je vous encourage à lire l'article en entier, c'est vraiment intéressant... sans parler des commentaires, jusqu'au dernier, où Paul Ariès répond.

Laure: D'obama à Borloo, tout le monde pique des idées aux objecteurs de croissance. Ca sent l'effet de mode, non?
Paul Ariès: Tout le monde se veut aujourd’hui écolo depuis, notamment, la mascarade du Grenelle de l’environnement. Conséquence : on parle de plus en plus de croissance verte, de capitalisme vert, bref on a tout oublié. Le pire est lorsque la décroissance passe dans certains médias pour être un discours d’adaptation à la crise. Comme si nous faisions la pub des hard discount et des prix bas, voire de la récupération dans les poubelles pour les plus pauvres. La décroissance n’est pas une stratégie d’adaptation individuelle ou collective à la misère du monde. Elle ne propose pas des recettes pour vivre avec moins et l’espoir de pouvoir reconsommer demain comme avant.
Nous ne sommes pas des consommateurs radins ou malins, nous sommes des militants politiques qui veulent changer le monde. Nous ne donnons pas des recettes pour apprendre à mieux se serrer la ceinture en conservant le sourire. Nous ne sommes pas dans l’union sacrée pour sauver le système. Nous cultivons le dissensus car nous pensons que ce système est foncièrement mauvais, immoral et dangereux.
Laure: Comment s’articule la décroissance ?
Paul Ariès: Selon trois formes de résistance. D’abord, la simplicité volontaire qui consiste à vivre en conformité avec ses valeurs. Cela semble aller de soi mais toute une tradition politique remettait aux lendemains du Grand Soir ce changement nécessaire des modes de vie et comme ce grand soir ressemblait souvent à des petits matins blêmes, on n’a finalement pas changé grand-chose. Tout ce qui va dans ce sens est donc positif, comme ne pas avoir de voiture, travailler à temps partiel, etc.
Mais si nous ne faisions que cela, la simplicité volontaire serait doublement dangereuse. Elle pousserait les objecteurs à se vivre comme les nouveaux parfaits, les nouveaux Cathares, à jouer à «plus-décroissant-que-moi-tu-meurs». La décroissance passerait alors d’un discours politique à une logique religieuse.
Le second piège serait d’entériner la division de la société et sa tendance à la dualisation. Notre but n’est pas de vivre entre nous une utopie concrète, il est de changer fondamentalement la société. Ensuite, les expérimentations collectives sont également indispensables. Nous devons bricoler des alternatives dans les franges, dans les marges et au cœur de la société.
Nous devons cependant être conscients que le capitalisme a une extraordinaire capacité de récupération. Il a détourné l’idée de microcrédit pour étendre la marchandisation. Il a dénaturé l’agriculture biologique pour en faire la bio-industrie. Pour finir, un troisième niveau de résistance, politique cette fois, est nécessaire.
(...) On peut reprocher tout ce que l’on veut à la société consumériste, mais on n’arrivera à sa cheville en matière de désir. Cette société sait capter le désir : nous sommes tombés dedans il y a soixante-dix ans et nous en voulons encore. Pour la décroissance, reste à rendre le projet désirable.
Et voilà, pour moi, tout est là: il faut arriver à rendre la décroissance désirable... Vaste projet, car quand on explique aux gens qu'on se sent mieux ainsi (plutôt que de regarder la télé, changer de garde-robe à chaque saison, s'offrir des cadeaux venant des supermarchés... on préfère travailler moins pour flâner plus et consommer moins pour polluer moins) on nous regarde en général avec des yeux ronds d'incompréhension!
Alors, comment rivaliser? Des idées?
Hélène