No more shopping (l'invitée du vendredi)
Avant de vous présenter notre invitée du vendredi, sachez qu'aujourd'hui vendredi 20 mars, c'est la journée sans viande: pensez à prendre une belle assiette végétarienne à la cantine ou au resto, et ainsi limiter les gaz à effet de serre! Et bon appétit...
Emeline est notre invitée cette semaine. Elle vit en Allemagne depuis 8 ans et vient de créer No shopping où elle raconte ses débuts dans l'expérience du zéro achat:
L'idée de passer quelques temps sans shopping m'est venue à la lecture du livre Not buying it: My year without shopping de Judith Levine, une journaliste américaine qui a renoncé pendant un an à tout achat. J'avais envie de faire pareil, mais pas vraiment le courage... J'ai repoussé le moment fatidique pendant un an.
En décembre nous avons dû acheter pas mal de choses pour meubler notre nouvelle maison encore vide et c'est après avoir déballé un canapé convertible Ikea si mal cousu et taché que l’on pouvait quasiment ressentir la souffrance du travailleur chinois qui l’avait fabriqué, que j’en ai vraiment eu ras-le-bol. J’ai donc décidé début janvier de passer 4 mois sans shopping, jusqu’à Pâques.
Pour être honnête, je n’ai jamais fait de grosses folies, mais tous les mois j’achetais quand même quelques cosmétiques ou des vêtements et surtout beaucoup de magazines et des livres. C’est d’ailleurs ce qui m’a manqué le plus au début, les magazines, parce que cela a toujours été pour moi un moyen de me récompenser ou de me consoler rapidement et à moindre prix.
Il a également fallu que je change ma manière de penser, avant je réfléchissais souvent à ce que j’allais pouvoir m’acheter, pour être plus jolie, plus intelligente ou pour faire de plus jolis bricolages et ca me rendait heureuse pour quelques temps. Une fois l’achat réalisé, et les premiers jours passés, je n’étais ni plus heureuse ni plus belle et même parfois un peu frustrée d’avoir acheté des choses dont j’aurais pu me passer.
Grâce à ma « cure de désintoxication » je suis plus libre, je n’ai plus l’esprit occupé par mes futurs achats, c’est positif et ca me laisse du temps pour me poser d’autres questions. Parfois trop de questions. Celle qui me taraude le plus : si tout le monde fait comme moi, mon job n’a plus lieu d’être, je travaille dans le marketing et si plus personne n’achète… Je réfléchis beaucoup à changer de voie, mais ce n’est pas si facile lorsqu’on a une famille à nourrir.
Côté pratique, pour le moment, ce n’est pas trop compliqué, j’ai toujours acheté des vêtements de bonne qualité et j’en prends soin, donc j’ai vraiment de quoi m’habiller, mes bottes ne ressemblent plus à rien mais bizarrement ca ne me fait rien d’aller travailler avec. Les livres me manquent un peu mais je découvre les joies de la bibliothèque municipale et des échanges. Quand aux magazines, de toute façon c’est toujours un peu la même chose (surtout les magazines féminins) et le fait de ne plus en acheter m’évite d’avoir envie de m’offrir le dernier rouge à lèvres Chanel ou les dernières chaussures trop tendance. C’est étonnant mais je me sens plus jolie car libérée des contraintes de la mode actuelle.
Le plus gros manque que je ressens c’est au niveau des tissus et des laines. J’aime beaucoup bricoler et même si pour le moment j’essaie d’utiliser les restes que j’ai, je sens que ca va finir par m’ennuyer parce que cela me limite. Je suis en train de me tricoter une écharpe avec de la laine qu’il me restait d’un pull mais lorsqu’elle sera terminée j’aimerais beaucoup me faire un gilet et là je n’ai pas assez de restes pour faire quelque chose de beau. Par ailleurs ma belle mère veut me montrer comment coudre un chemisier et à moins d’en faire un en patchwork, mes chutes de tissu ne vont pas suffire.
Une autre chose qui m’a beaucoup étonnée, les réactions de mon entourage. Mon mari m’observe en souriant gentiment, il n’est pas un gros consommateur (à part les livres), je crois qu’il comprend mon cheminement parce qu’il suit le même que moi, en moins radical peut-être.
Mes amies en revanche ne me comprennent pas: une m’a demandé si nous avions des problèmes d’argent, l’autre trouve que je me gâche la vie avec des résolutions à la noix. Elle n’arrive pas à comprendre que cela puisse avoir un côté libérateur. Quand à mes parents, qui sont plutôt écolos, je ne leur ai pas dit parce je craignais également qu’ils me croient en manque d’argent. C’est bizarre ensuite d’aller en ville avec ces gens et de les regarder acheter: ils se sentent obligés de se justifier et essayent de me faire craquer (comme lors d’un régime). Je n’essaie pourtant de convaincre personne, cette expérience est en premier lieu pour moi.
Pour l’instant je tire un bilan très positif de mon expérience sans shopping et réfléchis à la prolonger à un an, en allégeant certaines règles, notamment au niveau de la laine et du tissu...
Emeline